Pas de fin de journée depuis 248 jours

LINA BEN REJEB

Interroge les relations possibles entre les modes de pensée et les modes de production. Une caisse enregistreuse indique cette sentence : pas de fin de journée depuis 248 jours. En réalité, cette machine n’est en quelque sorte que le fac-similé de celle qui se trouve en bas, dans le grand magasin. Bazar Hôtel de Ville, 7e étage, on s’exerce à enregistrer sur cette fausse machine, avec de la fausse monnaie, des images de produits. La machine enregistre ces apprentissages, et reconnaissant l’absence de valeur réelle, elle s’abstient d’indiquer une finalité. Pas de gain, pas de fin de journée.

Clément Caignart pioche dans le fragmentaire pour mettre en vue l’emblème d’une société, sa nécessité d’exister, et de se montrer comme un tout, en tant qu’un et par l’activité. Les images des chaînes de production ne sont pas un constat sur l’exploitation du Travailleur, c’est la fonction médiatrice de la chaîne de production et non sa représentation qui l’intéresse : décliner et démultiplier. À cet état fragmentaire et lacunaire s’oppose une structure qui maintient la page. Des lignes de fuite relient les images et suggèrent un double sens : point de fuite. Il décortique les images incarnant un contrôle fantasmé des catégories sociales spécifiques au capitalisme en les inscrivant dans des hors-champs : le hors-champ de la socialité des images, c’est-à-dire le symbolisme proprement historique de telle ou telle représentation des activités productives. Par le recadrage, la duplication et l’assemblage, il reproduit des manières de produire. 

À l’image cristallisée et littéralement caricaturée du travail viennent se joindre des remises en cause de l’image. Faire œuvre n’est pas le propos de cette publication, ce qui est donné à voir est cette analyse de la réalisation. Par la déconstruction, il opère un déplacement de l’œuvre à l’ouvrage. Entre les différentes circulations d’images et de bribes de textes, se place en amont cette question du référent et du signifiant. Ces images et paroles, extraites de leur cadre, décontextualisées, sont projetées vers le lecteur, l’invitant, lui aussi, à détourner le sens premier de l’image.